Génocide Vendéen

Sur cette page, vous trouverez différents documents relatifs aux Guerres de Vendée et, plus spécifiquement, à l’aspect génocidaire des exactions révolutionnaires sur les Vendéens.

1. Définition d’un Génocide

La définition tirée du dictionnaire le petit Robert est la suivante : « destruction méthodique d’un groupe ethnique, et par extension : extermination d’un groupe important de personnes en peu de temps. « 

Ce qui s’est passé en Vendée est-il un génocide?

Génocide vendéen : la définitionCette définition correspond parfaitement aux actions menées par la convention à partir du premier août 1793. Aux contradicteurs qui ne manqueront pas de rétorquer que la population de la Vendée militaire ne constituait pas à proprement parler un groupe ethnique, signalons que l’adjudant général Hector Legros considérait en l’an 3 que « le pays que nous appelons Vendée est formé de la presque totalité de la Vendée, de la moitié des Deux Sèvres et de Maine et Loire et d’une grande partie de la Loire Inférieure« . (Réf: Mes rêves dans mon exil, BM de la Rochelle, cote 27628 C/13).

Deux lois furent préparées par Lazare Carnot et votées par la Convention en préparation du « Génocide Vendéen ». Celles du :
-1er Août 1793 : « Anéantissement de tous les biens…la Vendée doit être un cimetière national.. »
-1er Octobre 1793 : « Extermination totale des habitants.. »

Les militaires présents sur le théâtre d’opération avaient donc défini un groupe de rebelles, brigands ou insurgés dans une zone géographique déterminée.

Ces militaires ne firent qu’exécuter, le plus souvent avec un zèle outrancier doublé par l’appât du gain, les ordres donnés par le pouvoir politique parisien. Lorsque le vent eut tourné et que commença la chasse aux terroristes encore vivants, ils se retranchèrent tous, Turreau en premier, derrière l’obéissance aux ordres en minimisant les exactions commises par principe d’humanité.

Le point de départ du génocide est le décret du premier août 1793 voté sur proposition de Barrère de Vieuzac après un discours incendiaire:

 » ici, le Comité, d’après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leur récoltes et à les combattre autant par des ouvriers et des pionniers que par des soldats. C’est dans les plaies gangreneuses que la médecine porte le fer et le feu, c’est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes. L’humanité ne se plaindra pas; les vieillards, les femmes et les enfants seront traités avec les égards exigés par la nature.

L’humanité ne se plaindra pas; c’est faire son bien que d’extirper le mal; c’est être bienfaisant pour la patrie que de punir les rebelles. Qui pourrait demander grâce pour des parricides. …Nous vous proposons de décréter les mesures que le comité a prises contre les rebelles de la Vendée; et c’est ainsi que l’autorité nationale, sanctionnant de violentes mesures militaires portera l’effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures des royalistes » (Réf, Gazette Nationale ou le Moniteur universel du vendredi 9 août 1793.)

Le décret du premier août 1793 relatif aux mesures à prendre contre les rebelles de la Vendée stipulait dans son article 1er :
« Le ministre de la guerre donnera sur le champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée…
Article VI: il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts.
Article VII: les forêts seront abattues; les repaires des repaires des rebelles seront détruits; les récoltes seront coupées par les compagnies d’ouvriers, pour être portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis.
Article VIII: les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l’humanité.
Article XIV: les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la république; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui seront demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu’ils auraient souffertes. (Réf: L 28-AD85).

Ce décret était un véritable appel au meurtre, au vol institutionnalisé et à la déportation des non combattants.

Ce décret sera suivi par celui du 1er octobre décliné sur le mode du discours de Caton auprès du sénat romain : »delenda Carthago » (il faut détruire Carthage): Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l’Autrichien… Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la république française; c’est la qu’il faut frapper. (Réf: Moniteur universel du 16 du premier mois de l’an 2, N°280).

 Vendéen en armes

Après la prise de Laval le 23 octobre, et la défaite républicaine d’Entrammes, le 26 octobre, un nouveau décret daté du 11ème jour du 2ème mois, portera que « toute ville de la république qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En conséquence, elle sera rasée et les biens des habitants seront confisqués au profit de la république ». (Réf: L 31-AD85).

Les mesures préconisées furent appliquées à la lettre par les représentants en mission auprès des armées et dans les départements.

Dès l’offensive du 14 septembre 1793 le représentant Fayau fait incendier Cheffois et Réaumur, confisque les bestiaux dans toutes les borderies et métairies rencontrées sur son passage. Les troupes pillent, violent volent et brûlent ce qui ne peut pas être emporté. (Réf Correspondance de l’agent national Coyaud, L 203-AD85).

Le 9 frimaire an 2 (29 novembre), le représentant Fayau écrit aux administrateurs du département de la Vendée :

 » Vous savez comme moi citoyens que les brigands appelés de la Vendée existent encore quoique on les aie tués plusieurs fois à la tribune de la Convention…Je vous engage à prendre les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour que les armées catholiques et royales dans le cas ou elles rentreraient dans la Vendée n’y trouvent plus qu’un désert…Il serait bon, citoyens, que des commissaires nommés par vous se transportassent de suite dans toutes les parties de votre département pour en faire retirer toutes les subsistances et pour faire arrêter tous les citoyens qui ont pris part directement ou indirectement aux troubles de la Vendée. Il faut purger la Patrie… »(Réf L 380-AD85).

Le représentant Francastel n’est pas en reste. Le 25 décembre 1793, il écrit au Comité de Salut Public : « Je fais débarrasser les prison de tous les infâmes fanatiques qui s’étaient échappés de l’armée catholique. Pas de mollesse, que le torrent révolutionnaire entraîne tout ce qui lui résiste scandaleusement. Purgeons, saignons jusqu’au blanc. Il ne faut pas qu’il reste aucun germe de rébellion… » (Réf fonds Uzureau, 2F14 37-AD49).

Lequinio, représentant du peuple dans la Charente et la Charente inférieure est encore plus explicite dans sa lettre du 8 ventôse an 2 (26 février 1794) :

« Je crois que par séduction, argent, violence ou autrement, on avait pu s’emparer des chefs, il serait possible de n’exterminer que les étrangers, car quoique l’on puisse en croire, ce sont les hommes du pays même qui sont le moins dangereux; ils seraient réduits à l’instant s’ils s’étaient laissée à eux mêmes; mais ce sont les prêtres, les nobles, les étrangers et les déserteurs mêlés au milieu de nous qui rendent leur réduction impossible. Il faut donc nécessairement les égorger tous. C’est le parti que facilite l’arrêté que mes collègues Garrau, Hentz et Francastel viennent de prendre, en faisant retirer dans l’intérieur de la république tous les réfugiés de ce pays, réduits au désespoir, ainsi que le sont les habitants de se pays pervertis par les scélérats étrangers qui sont au milieu d’eux et qu’il n’eut pas été possible d’en séparer. Il est impossible maintenant qu’on use envers eux des moyens que l’on pouvait employer autrefois de concert avec la poursuite des étrangers. Il faut donc se décider à tout massacrer… Réf Archives Nationales AA 53.

Le décret du 2 ventôse an 2 (20 février 1794) ordonnait la déportation des innocents et des bons citoyens de manière à ne laisser plus dans les pays révoltés que les rebelles que l’on pourra plus aisément détruire ». (Réf lettre de Hentz et Francastel du 7 ventôse an 2, L 475-AD35)

2. Rappel Historique

Avant le génocide : Les soulèvements dans l’Ouest

La Révolution avait fait naître l’espoir de réformes nécessaires qui étaient partagés par la majorité du peuple, de la noblesse et du clergé. En 1789, il n’était nullement question d’abolir la royauté ni d’interdire aucun culte. En 1793, la vente des biens nationaux a profité à la bourgeoisie. Les »patriotes » ont acheté châteaux, églises et bonnes terres mais les nouveaux maîtres ont le mépris de la paysannerie ce qui est une caractéristique des esprits « éclairés ».

Puis, la Constitution Civile du Clergé impose aux prêtres de prêter serment à l’Etat ( décret d’application 27/11/1790). Ceux qui refusent doivent renoncer à leur Ministère. On les remplacera par des prêtres assermentés, des « fonctionnaires de la foi », en quelque sorte. Séparée de Rome, cette église « nationale » est schismatique. Bien sûr, les prêtres insermentés continuent de pratiquer leur ministère en secret. Ils sont poursuivis et emprisonnés. Le ressentiment devient plus vif à l’égard des prêtres assermentés, dits « jureurs ».

La prise de fonction d’un curé jureur donne lieu parfois lieu à des échauffourées et la Garde Nationale doit intervenir.

Mais c’est la Levée des 300 000 hommes qui met le feu aux poudres. L’Ouest rechigne à fournir un contingent à la Nation qui a déclaré la guerre à l’Europe. L’ exaspération est d’autant plus forte que les membres de la Garde Nationale resteront sur place. Autrement dit , il faudrait aller se faire tuer pour ces bourgeois pleins de morgue, qui paradent dans leur bel uniforme, qui perquisitionnent sans ménagement pour débusquer les prêtres non assermentés. La guerre aura bien lieu, mais pas aux frontières.

La guerre en Vendée est déclenchée et après quelques mouvements sporadiques, c’est l’embrasement général du 10 au 13 mars 1793. Les deux tiers de la Vendée se soulèvent ( la plaine et la côte sud resteront toujours républicaines) , mais aussi l’ouest du Maine et Loire ( les Mauges), le Sud de la Loire Atlantique, le Nord des Deux Sèvres. Le territoire insurgé est délimité au nord par la Loire, de son embouchure jusqu’à Angers. A l’est , d’ Angers jusqu’à Parthenay.Ce sont des hommes du peuple qui prennent la tête du mouvement. Ils iront chercher de vrais cadres militaires chez les nobles. Au tout début de l’insurrection, personne n’a conscience de l’ampleur du mouvement. L’action paraît suicidaire. Ainsi, Charette,

Le Chevalier François de Charette« Le » Chevalier Charette, celui qui entrera bientôt dans la légende, est tiré de dessous son lit par des maraîchins surexcités. D’Elbee, Bonchamps, Sapinaud , La Rochejaquelin, Lescure ne seront guère plus enthousiastes.
Les vendéens n’ont pour toutes armes que quelques fusils de chasse et leurs outils de travail, comme aux temps des anciennes jacqueries. Emmanchée à l’envers, la faulx devient une arme redoutable. Ainsi équipés, les vendéens se jettent sur les bourgs républicains. Les gardes nationaux n’ont pour ainsi dire aucune expérience militaire. Ils sont immédiatement culbutés.

Bientôt, les villes tombent: Bressuire le 2 mai, Thouars le 5, Fontenay le 25, Saumur le 9 juin, Angers le 18. Voilà les vendéens équipés de milliers de fusils, de dizaines de canons. Leur Armée Catholique et Royale compte 50 000 hommes, elle commence à se structurer. Jacques Cathelineau, un simple colporteur, est élu Général en Chef. A Paris, c’est la consternation. Les troupes envoyées pour mater les « soldats en sabots » se sont toutes fait battre à plate couture. D’autres troupes sont dépêchées. La Vendée comprend alors qu’elle ne pourra rester seule. La prise de Nantes permettrait de rallier les chouans de Bretagne et d’avoir un grand port pour communiquer avec l’Angleterre.
L’attaque de Nantes a lieu le 29 juin. Malgré un problème de synchronisation entre les différentes armées vendéennes et une défense acharnée des patriotes, Cathelineau parvient au centre de la ville. Mais il s’écroule, Place Viarme, frappé d’une balle en pleine poitrine. Désemparés, les vendéens refluent, alors que la ville est quasiment tombée. Le Général en Chef de la Grande Armée Catholique et Royale décédera le 14 juillet suivant, à Saint Florent le Vieil.

Après la mort de Cathelineau

La République va bientôt aligner 60 000 hommes contre la Vendée . Si les forces en présence paraissent équilibrées, l’avantage est à la République: ses soldats sont mobilisés en permanance, tandis que les vendéens n’exploitent jamais leurs victoires, trop pressés qu’ils sont de retourner à leurs champs. Les » bleus » peuvent attendre, mais pas les foins, ni la moisson.

Parmi les nouveaux arrivants républicains en Vendée, Westermann, dont les exploits ultérieurs lui vaudront le titre de » boucher de la Vendée ». Par un raid audacieux, il surprend les royalistes et reprend Bressuire et Mauléon, avant d’être mis en déroute. Victoire aussi le 18 juillet pour les vendéens à Vihiers, bien qu’aucun des chefs vendéen ne soit présent. Le mois d’août sera moins heureux: échec devant Luçon, défendue par la garnison et ses habitants.
Encerclés par les garnisons de Niort, Nantes, la Rochelle, Angers, les vendéens sont sur tous les fronts. En 5 jours , ils vont battre les meilleures troupes républicaines et des chefs militaires de talent comme Kléber. Ainsi, cette armée de Mayence , ainsi nommée parce qu’elle a soutenue un terrible siège dans la ville du même nom. Elle a même obtenue des prussiens de quitter la ville avec armes et drapeaux, à condition toutefois de ne plus combattre à l’Est. L’armée de Mayence est dirigée vers la Vendée. La Convention est sûre qu’avec de tels soldats, on ne fera qu’une bouchée de la Vendée. Mais Kleber et ses mayençais s’inclinent à Torfou le 19 septembre. Ce n’est pas la déroute, mais l’armée de Mayence a du battre en retraite. Exploit deux fois réitérés dans les semaines suivantes.
Le choc décisif aura lieu à Cholet le 17 octobre. De l’aveu même de Kleber, les vendéens ont le tort d’accepter l’engagement en dehors de la ville. La bataille dure jusqu’à la nuit tombante, la victoire semblant changer de camp à plusieurs reprise.

Deux chefs vendéens, Bonchamps et d’Elbée sont grièvement blessés. Comme à Nantes, c’est le signal de la déroute. L’armée catholique et royale fuit vers la Loire. Hommes, femmes, enfants: 80 000 personnes vont traverser le fleuve sur des barques et des radeaux de fortune.
A Saint Florent le Vieil , près des plages où se déroule la traversée, Bonchamps mourant sauve la vie de 5 000 prisonniers bleus que les vendéens, exaspérés par la défaite et les exactions républicaines, voulaient fusiller. Cet épisode est bien sûr passé sous silence par les ouvrages scolaires laïcs et républicains. On préférera évoquer le jeune Barra assassiné par des chouans qui voulaient le forcer à crier « vive le Roi ». Un fait qui tient plus de la légende que de l’histoire.

 

Virée de Galerne

La Virée de galerne, c’est le nom de cette tragique épopée qui va mener le peuple de Vendée sur les routes de l’Ouest. Malgré le flot des traînards, l’Armée Catholique et Royale, renforcée par des chouans venus de Bretagne et du Maine, va remporter une série de victoires.

L’objectif est de rallier Granville pour permettre l’arrivée de secours anglais. Laval, Entrammes, les royalistes balaient les défenses républicaines. Mais Granville s’avère imprenable par la terre. Sans attendre l’arrivée de l’escadre anglaise, les vendéens se jettent à l’assaut des murailles. C’est l’échec. Alors que l’armée vendéenne vient à peine de lever le camp, la flotte britannique apparaît. C’est le retour , ou plutôt le calvaire, car seulement 5% des vendéens reverront leur paroisse. Tous les autres périront sabrés, fusillés, ou pire encore. La cavalerie républicaine suit l’armée à la trace et les consignes sont de ne faire aucun prisonnier. Pontorson, Dol, Antrain, les vendéens remportent victoires sur victoire. Il s’agit maintenant de repasser la Loire à Angers. Hélas, la ville qui avait fêté l’Armée Catholique et Royale est désormais solidement tenue. Les Vendéens sont refoulés vers Le Mans, alors qu’ils étaient aux portes de leur pays. Le 12 décembre 1793, c’est la défaite au Mans, le 23, ce qui restait de l’armée est massacré à Savenay . Westermann pourra écrire à la Convention:

 » …il n’y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre libre avec ses femmes et ses enfants,  suivant les ordres que vous m’aviez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux , massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher « .

La disparition de l’armée vendéenne n’est pas satisfaisante pour la Convention. Elle ordonne l’anéantissement de tous les habitants de la zone insurgée  » il vous est ordonné d’incendier toutes les maisons des rebelles, d’en massacrer tous les habitants « . Le département est rebaptisé Vendée-Vengé…

3. Le Général Turreau

Louis-Marie Turreau de Carambouville est né le 4 juillet 1756 à Évreux. Son père, originaire de l’Yonne est venu s’installer en Normandie. Il est procureur fiscal des eaux et forêts du comté d’Evreux, avant de devenir le maire de la ville. Les Turreau jouissent de nombreux privilèges mais n’appartiennent pas officiellement à la noblesse. Dès le début de la révolution Turreau choisit son camp; malgré son origine assimilée noble il est un fervent révolutionnaire. Il est élu maire de la commune d’Aviron (à côté d’Evreux) et acquiert quelques biens du clergé et l’abbaye de Conches (près d’Evreux). Entré dans la garde nationale de Conches, il en prend la direction en juillet 1792. En septembre, il est capitaine d’une compagnie des volontaires de l’Eure et part combattre aux frontière du nord. En novembre, il intègre l’armée de Moselle où il devient colonel. En juin 1793, il est affecté à l’armée des Côtes de la Rochelle. Il y reste jusqu’au 8 octobre, date à laquelle il obtient le commandement de l’armée des Pyrénées orientales.
Le 27 novembre 1793, le Comité de salut public le nomme commandant en chef de l’armée de l’Ouest. Il arrive en Vendée un mois après sa nomination, le 23 décembre 1793, le jour où Kléber et Marceau écrasent les Vendéens à Savenay.
Jaloux des succès de Marceau qui avait commandé par intérim l’armée de l’Ouest, averti des mouvements de Charette qui avait fait des incursions dans la région de Cholet il donne aussitôt ses ordres :
« Chaque chef de colonne à son instruction particulière; tous ont l’ordre d’incendier les villages, métairies, forêts, etc.…mesures que j’ai cru indispensables et que vous-mêmes représentants vous avez indiquées dans votre arrêté du mois d’août (vieux style)…Cette promenade militaire sera finie le 15 et le 16 pluviôse ».( Réf: Guerre des vendéens et des chouans, Jean Julien Savary, Tome III).

 Le 29 nivôse (18 janvier 1794), Turreau écrit de son quartier général de Doué aux citoyens administrateurs du district d’Angers : « Les brigands qui s’étaient répandus sur la rive droite de la Loire sont anéantis. Il ne nous reste plus qu’à purger le premier théâtre de leur fureur…J’ai donné les ordres nécessaires pour que la Vendée soit traversée par douze colonnes chargées de faire en tous lieux la fouille la plus scrupuleuse »…

Turreau transmet à ses troupes une instruction relative à l’exécution de ses ordres contre les brigands de la Vendée :

 » …tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main ou convaincus de les avoir prises pour se révolter contre leur patrie seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées, mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l’ait préalablement ordonnée »…(Réf: Jean Julien Savary Tome III, P 56).

Le 3 ventôse an 2 (21 février 1794), Turreau réprimande les administrateurs du district de Challans :

« Je suis instruit par le général Haxo, des obstacles que vous apportez aux mesures que j’ai prises pour la destruction des brigands et de leurs repaires. L’incendie général est ordonné ainsi que l’enlèvement de tous les objets de subsistances; chacun des généraux que j’ai l’honneur de commander a reçu de moi l’ordre positif d’exécuter ces mesures rigoureuses sans se permettre ni d’écouter aucunes réclamations mêmes celles des corps constitués; ils ont ordre non seulement d’agir militairement contre les administrés; mais même contre vous, si vous osez vous permettre désormais d’apporter la moindre entrave à l’exécution de mes ordres. Je vous invite à ne pas oublier que spécialement chargé par le Comité de Salut Public de finir la guerre de Vendée, ce n’est pas à vous que je dois compte des moyens que j’ai pris pour y parvenir »…(Réf Pièces justificatives d’un mémoire imprimé par les administrateurs du district de Challans, L 187-AD85.)

Pour le malheur des vendéens, ces rodomontades verbeuses furent exécutées sans état d’âme jusqu’aux plus bas échelons par les troupes de la république, qu’elles fussent de l’ancien régime ou volontaires nationaux. Le caporal Broussais, fourrier au premier bataillon des Côtes du Nord, écrit de Montaigu le 17 septembre 1793 : « Enfin nous ne rentrerons qu’après en avoir définitivement exterminé toute la race, brûlé et ravagé leurs repaires, la leçon sera bonne; je crois qu’ils s’en souviendront »…Réf correspondance de Broussais, futur empereur de la médecine, Echos du bocage vendéen, PC20/3-AD85.

Joliclerc, volontaire du 9ème bataillon du Jura, écrit à sa mère :

 » nous allons porter le fer et le flamme, d’une main le fusil et l’autre la torche. Il faut que tous périssent, excepté les petits enfants. Il faut que ces département servent d’exemple aux autres qui auraient envie de se révolter. Nous avons déjà brûlé sept lieues de pays. Il y a des soldats qui ont déjà fait fortune »…(Réf: Joliclerc, volontaire aux armées de la république. Ses lettres (1793-1796) Funck-Brentano).

Turreau est il responsable?

Les colonnes infernales ont semé l’horreur sur leur passage. Certains historiens chiffrent les morts à 200 000. La population insurgée a été décimée. Dans certains villages 20 à 40 % de la population a été exécutée.
Turreau n’est pas seul coupable. Il partage les responsabilités de ce populicide avec le comité de Salut Public et avec certains de ses généraux. Le comité a validé chacune de ses propositions tandis que certaines colonnes se délectaient de cette sale besogne et commettaient plus d’exactions que Turreau ne le préconisait.

Turreau a établit son plan en fonction de ses connaissances militaires, le calquant sur des méthodes utilisées par l’ancien régime pour mater les rébellions paysannes. Il n’attachait pas d’importance à l’espèce rebelle, et ne voyait vraisemblablement pas de problème éthique à massacrer toute une population, dès lors qu’il était couvert par le comité de salut public. Turreau est coupable, il porte une responsabilité importante dans ce populicide. Il ne faudrait pas pour autant qu’il soit l’arbre qui cache la forêt. Le gouvernement parisien, et certains militaires républicains sont tout autant coupables que lui…

4. Le Général Amey

Massacres commis en VendéeBiographie sommaire du sinistre Général Amey (extrait de la revue du Souvenir Vendéen N° 151 -juillet 1985)

Pierre-François-Joseph Amey, général de division, était né à Sélestat (Bas-Rhin), le 2 octobre 1768, de François-Pierre Amey, chirurgien-major de la Légion Suisse, et de Ursule Collignon. Mort à Sélestat le 16 novembre 1850. Entra comme cadet dans le
régiment de Vigier, le 2 octobre 1783, promu sous-Iieutenant au dit régiment le 17 juillet 1788. Arriva rapidement en passant par tous les grades à celui de général de brigade, le 8 frimaire an Il. Il avait servi à l’ armée des Côtes de La Rochelle sous Duhoux, puis Menou, qui combattirent contre les vendéens. Blessé en Vendée, le 25 juin 1793, il avait été nommé provisoirement adjudant-général, le 23 juin précédent, et fut confirmé dans son grade le 30 septembre 1793 ; servit sous Kléber et Marceau et fut nommé général de brigade, le 28 novembre 1793. Blessé à la bataille du Mans, le 12 décembre 1793. Il commande une Colonne infernale et en février 1794, brûle la petite ville des Herbiers. après s’être sinistrement distingué en brûlant les femmes des Epesses et des environs dans des fours allumés. Suspendu de ses fonctions, le 6 août 1794, il fut réintégré, le 4 septembre 1794. Pris part ensuite à toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire dont il fut nommé baron, le 19 mars 1808. Blessé à la Bérézina. Grand officier de la Légion d’Honneur, le 10 août 1813, puis, -comble de l’horreur, chevalier de Saint-Louis sous la Restauration, le 8 juillet 1814. Mis à la retraite, le 1er novembre 1833, le nom de ce « boucher de la Vendée » figure sur l’Arc de Triomphe de l’Etoile La ville de Sélestat a donné son nom à l’une de ses rues.

Notes complémentaires sur une courte biographie du sinistre général Amey.

Après les Cent jours, il fit sa soumission à Louis XVIII, fut admis à la retraite le 9 septembre 1815 et se retire dans sa ville natale, Sélestat, dont il est nommé maire, de 1820 à 1830. Présente les clés de sa ville à Charles X, lors de son voyage en Alsace en 1828. Il réside à Strasbourg à partir de 1830 et y décède le 16 novembre 1850. Il est enterré au
cimetière St-Hélène de cette ville. Le 16 mars 1972. le Conseil municipal de Sélestat donne son nom à un nouveau boulevard. La plaque porte l’inscription: « Boulevard François P-J Amey, 1768-1850 ».

 5. Crimes contre l’Humanité

Les procédés les plus barbares d’extermination ont été mis en oeuvre par les colonnes infernales.

Tanneries de peaux humaines

La pièce no 262 des Extraits des délibérations et dépositions d’Angers qui relate le témoignage de Claude Jean Humeau au tribunal d’Angers le 26 août 1795 :
« que Pecquel chirurgien au 4è bataillon des Ardennes écorcha 32 de ces cadavres, les fit porter chez Lemonnier, tanneur au Ponts-Libres (actuels Ponts-de-Cé), pour les tanner, que le particulier s y refusa, qu’il sait que les peaux sont déposées chez Prud’homme, manchonnier à Angers » (Archives du Maine-et-Loire,1(1127/3) (page 53 de l’Historia N°624).
Autre témoignage attestant de ces tanneries de peaux humaines, cet extrait du Champ des Martyrs, de Godard Faultrier, Angers (Cosnier et Lachèse, 1852, collection Docteur Suard). Godard Faultrier rend compte d’une conversation qu’il a avec un berger nommé Robin qui avait 13 à 14 ans et qui fut témoin des horreurs commises. Page 13, on lit:

-« ..Sur la demande que je lui adressais, s’il avait connaissance des 30 victimes auxquels la peau fut enlevée, pour être tannée, il me répondit « que le fait n’était que trop certain, et qu’il avait, de ses yeux, plusieurs cadavres en cet état gisant au bord de l’eau sur la grève…Mais le moyen de croire à de pareilles horreurs lui répliquais-je !
-Je n’en impose point, reprit-il et même je puis vous affirmer qu’ils étaient écorchés à mi- corps parce que, continuat-il, on coupait la peau au-dessous de la ceinture, puis le long de chacune des cuisses jusqu’à la cheville des pieds de manière qu’après son enlèvement, le pantalon se trouve en partie formé. Il ne restait plus qu’à le tanner et à le coudre… ».
Ce témoignage date du 31 mai 1852.

Les fours crématoires où l’on jetait les femmes vivantes

On citera les témoignages des Commissaires républicains Morel et Carpenty à la Convention le 24 mars 1794 :
« A Montournais, aux Epesses el dans plusieurs autres lieux, le général Amey fait allumer les fours et, lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. » (Jean Dumont, Pourquoi nous ne célébrerons pas 1789, Editions Argé 1987, p7 I). A qui ose le lui reprocher, il répond que « c’est ainsi que la République veut cuire son pain ».
(Charles Vaugeois, « l’Extermination des Vendéens: les colonnes infernales », in Enquête sur l’histoire -1793, la Vendée, la Terreur- Hiver 1793, N°5,p.59) (page 53 de l’Historia N°624).
Autre témoignage: Dans « Génocide Franco-Français » de Reynald Secher-1986, p163 :


« Amey, écrit l’ officier de police Gannet dans un rapport, fait allumer les fours et lorsqu ‘ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations ; il nous a répondu que c’était ainsi que la République voulait faire cuire son pain. D ‘ abord on a condamné à ce genre de mort les femmes brigandes, et nous n’avons trop rien dit; mais aujourd ‘hui les cris de ces misérables ont tant diverti les soldats et Turreau qu’ils ont voulu continuer ces plaisirs. Les femelles des royalistes manquant, ils s’adressent aux épouses des vrais patriotes. Déjà, à notre connaissance, vingt-trois ont subi cet horrible supplice et elles n’étaient coupables que d’adorer la nation (…) Nous avons voulu interposer notre autorité, les soldats nous ont menacé du même sort » (…).

Les femmes soldats en Vendée

Premières victimes d’une guerre civile qu’en dépit de leurs convictions religieuses elles n’ont ni fomentée ni voulue, les femmes de l’ouest de la France se retrouvent, dès les débuts du soulèvement, au printemps 1793, les plus exposées. Et les plus déterminées.  
Par Anne Bernet

Avant même qu’à Paris certaines officines du pouvoir révolutionnaire élaborent une théorie meurtrière d’éradication totale des populations insurgées, à commencer par l’élément féminin – « le sillon reproducteur », pour parler le jargon de l’époque – ce sont les femmes qui souffrent : viols, massacres de civils, époux, fils, frères tombés au combat, incendies de villages entiers, exode massif… Dans cette horreur où bascule leur quotidien jadis si paisible, l’immense majorité d’entre elles n’envisage pas un instant de prendre les armes et continue, vaille que vaille, à maintenir un semblant de normalité. Un choix qui s’avère parfois insoutenable. Sous la pression des circonstances, il arrivera qu’elles soient obligées de se battre. Pour certaines, la décision sera sans retour.

Mouvement collectif, réaction incontrôlable de mères aux abois, et prêtes à tout pour protéger leurs enfants en danger. C’est le cas le 19 septembre 1793 à Torfou, lors de la bataille qui oppose l’ensemble des armées catholiques et royales, exceptionnellement fédérées devant le péril commun, à l’armée de Mayence, depuis peu arrivée en Vendée, sous les ordres de Kléber, Beaupuy et Aubert-Dubayet. Pendant l’affrontement, décontenancées devant l’exceptionnel mordant des Mayençais, les troupes de Charette perdent soudain pied, et refluent en désordre vers le bourg, où leurs familles, fuyant l’avance républicaine, se sont réfugiées. La déroute entraînerait peut-être l’effondrement de tout le dispositif royaliste si les maraîchines et les paydrettes (les femmes du Marais breton et du pays de Retz), en voyant revenir leurs hommes affolés, ne leur tombaient dessus à coups de triques et de sabots. C’est ainsi qu’elles vont les ramener au combat, sous leurs invectives et leurs menaces.

Mieux encore, afin d’être sûres qu’ils ne recommencent pas, elles se jettent avec eux dans la mêlée, souvent sans autres armes que des bâtons. L’irruption sur le champ de bataille de cette horde en jupons désoriente à leur tour les républicains. Beaucoup se font tuer avant d’avoir eu le réflexe de se défendre contre un adversaire aussi inattendu. Si elle ne suffit pas à décider du sort de la journée, l’étonnante contre-attaque des Vendéennes donne aux Blancs le temps de se ressaisir et de reprendre le dessus. Nombreuses sont celles qui paient de leur vie ce sursaut d’héroïsme ; une seule échappe à l’anonymat collectif : la jeune Mme de Bruc, épouse d’un officier, qui s’empare d’un cheval et d’un sabre, et se fait tuer en chargeant avec la cavalerie royaliste.

Cependant, ces exploits collectifs motivés par une nécessité immédiate de survivre et de protéger des familles vouées à l’extermination en cas de défaite ne sont que circonstanciels, tout comme la réaction des jeunes filles de Saint-Colombin, en février 1794, sauvées par l’arrivée de Charette au moment où les Bleus, qui ont massacré tout le village puis violé les prisonnières mises de côté à cette fin, s’apprêtent à les fusiller. Elles ramassent les armes de leurs bourreaux et se joignent à la petite troupe du chevalier. Malheur aux blessés et aux prisonniers républicains qui tombent ensuite entre leurs mains et qu’elles achèvent, méthodiques et vengeresses, à coups de pierres. Représailles d’ailleurs exceptionnelles, elles aussi, et qui tranchent, dans leur sauvagerie, avec l’attitude de tant d’autres de ces femmes, prêtes à défendre, souvent, des hommes désarmés ou mourants qu’elles savent pourtant être les assassins de leurs proches.

Victimes des circonstances, elles n’ont pas de vocation militaire ni militante. Seuls les animent l’instinct de survie, la haine ou la colère. Quelques-unes, en revanche, choisissent délibérément de devenir des combattantes – ou des combattants, car la décence les pousse à cacher qu’elles sont des femmes – et de faire la guerre pour de bon.

De toutes, la plus célèbre, et la plus exemplaire, est incontestablement Renée Bodereau, qui s’illustre sous le nom de guerre de l’Angevin, vite transformé en Brave l’Angevin par des camarades admiratifs. Née en 1770 au village de Soulaine, Mlle Bodereau rentre chez elle, un soir du printemps 1793, pour découvrir son vieux père infirme égorgé par les Bleus. Elle revêt alors les habits d’un de ses frères, déjà tous partis combattre, et s’engage dans la troupe du major général Stofflet, en usurpant l’identité d’un de ses aînés. Les débuts sont rudes et pénibles pour la jeune fille, qui ne sait manier ni un fusil ni un sabre, ni monter à cheval. Les premiers accrochages avec l’ennemi la frappent d’épouvante. Saisie de honte devant sa propre lâcheté, elle fait alors cette prière : « Mon Dieu, ne me donnerez-Vous pas plus de coeur afin de venger Votre gloire ? », et se sent aussitôt emplie d’une bravoure invincible. A sa première affaire d’importance, au Pont-Barré, elle surprend un détachement républicain de quatre hommes, et les tue, seule, puis se bat toute la journée. Il faut que la lame de son sabre se brise sur le crâne de sa vingt et unième victime pour arrêter cette indomptable. Jusqu’en 1795, et la première pacification, Renée Bodereau est de tous les combats, toujours à l’avant-garde, toujours partante pour les missions dangereuses ou aventurées. Il y a longtemps que son secret est éventé et que les Blancs savent à quoi s’en tenir sur son sexe. Pendant la Virée de Galerne, Stofflet, agacé d’être si souvent devancé par ce petit jeune homme intrépide, s’enquérant de son identité, s’entend répondre : « Général, c’est votre meilleur cavalier qui veut mourir à l’avant-garde ! » « C’est donc un gentilhomme ? » « Non, c’est une fille, mais qui se bat comme un lion ! »

Si les siens savent qui elle est, pour les Bleus Renée reste le redoutable Hyacinthe Langevin, dont la tête est mise à prix 40 000 livres. Quand elle est enfin arrêtée, au printemps 1795, alors qu’elle refuse la pacification, on l’emprisonne sous le plus improbable des prétextes : une accusation de viol. On tente de lui faire reconnaître le nouveau pouvoir, affirmant que « ses chefs sont de très mauvais sujets qui n’ont pas su faire sa fortune » et que la République saura se montrer plus généreuse. A quoi Renée, superbe, répond : « Je me ferai républicain le jour où la République me rendra vivants vingt-sept de ma famille qu’elle a massacrés. » Comme on lui oppose que c’est impossible, elle rétorque : « Eh bien, il m’est tout aussi impossible de me faire républicain ! » Les autorités lui feront payer cette insolence. Elle traverse pourtant la tourmente et s’éteint en 1824, minée par les blessures reçues au combat, laissant des Mémoires étonnants.

Du même genre, mais promise à un destin plus court et plus tragique, la petite Jeanne Robin, de la paroisse de Courlay, parfois surnommée « la Jeanne d’Arc vendéenne », s’engage dans les troupes du marquis de Lescure. Incapable de soutenir cette identité masculine, elle avoue son imposture à l’épouse du général, en la suppliant de lui épargner la honte d’être renvoyée dans ses foyers. Ne voyant pas d’issue, elle trouve moyen de se faire tuer dès le surlendemain, 5 mai 1793, à la prise de Thouars. La découverte de son corps sur le champ de bataille, présenté par la propagande républicaine comme celui de « la soeur du brigand Lescure », accréditera la légende de la présence massive de femmes dans les rangs royalistes.

La destinée de Mlle Regrenille est moins dramatique. Novice chez les ursulines au début de la Révolution, l’interdiction des voeux religieux et la fermeture des couvents la contraignent à rentrer dans le monde. Elle s’y découvre une vocation nouvelle, celle de hussarde, et, sous un déguisement d’homme, intègre, elle aussi, la cavalerie vendéenne. Elle se couvre de gloire pendant la Virée de Galerne, à laquelle elle a la chance de survivre avant de parvenir à retrouver sa famille. Lors de son voyage en Vendée, Napoléon tient à se la faire présenter. Soucieuse des convenances, Mlle Regrenille se fait accompagner par son frère. Aimable, l’Empereur demande à celui-ci : « Et que faisiez-vous, monsieur, tandis que votre soeur se battait si bien ? » « Sire, j’étais citoyen neutre… » « Neutre ? ! Alors vous n’êtes qu’un jean-f… ! », assène Napoléon au bourgeois médusé.

Céleste Talour de La Cartrie, veuve en premières noces d’un M. de La Brossardière, s’est, à 40 ans (âge avancé pour une femme à l’époque), remariée avec le comte William de Bulkeley, d’une famille irlandaise établie en France, et de dix ans son cadet. Celui-ci, au début de l’insurrection, prend le commandement des bandes des environs de La Roche-sur-Yon. Sa femme l’accompagne, mais pas pour faire de la figuration : elle se bat. Les rapports républicains parlent de « l’amazone Bulkeley et de ses cruautés inouïes », dans le but de discréditer le rôle des femmes de l’aristocratie dans la guerre civile et de nuire à la réputation des généraux, accusés de se laisser manipuler par des influences femelles et maléfiques, faiblesse évidemment indigne d’un homme et d’un militaire.

Arrêtée en décembre 1793, à la fin de la Virée de Galerne, avec son mari et sa fille de 12 ans, Mme de Bulkeley est condamnée à mort. Son époux la sauve en la suppliant d’alléguer une grossesse inexistante. Le sursis accordé lui fait traverser la Terreur mais la laisse absolument seule, William ayant été guillotiné et sa fille étant morte du typhus. C’est auprès de Charette que la comtesse trouve refuge, et peut-être consolation. Elle ne rendra définitivement les armes qu’après la mort du général, le 29 mars 1796, et finira par se remarier, une troisième fois, avec, et c’est un comble, un officier républicain, le capitaine Pissière, subjugué par cette femme d’exception. Céleste enterrera encore ce mari, et mourra, à 78 ans, en 1832. A-t-elle été l’une des maîtresses que l’on prête à Charette ? Rien de moins sûr, mais le fait est qu’en le rejoignant, elle a retrouvé auprès de lui des dames et des demoiselles, nobles ou roturières, restées dans la légende sous l’appellation générique d’« amazones de Charette » et dont certaines méritaient ce titre grâce à leurs incontestables faits d’armes.

Une aura romantique et largement fausse entoure la plus connue, la comtesse de La Rochefoucauld, surnommée « la Mieux-Aimée » ou « la Belle Vénus de notre dieu Mars » par les soldats et officiers de l’armée de Charette. Née en 1762 à l’île de la Grenade, aux Antilles, mariée à un officier de marine, Pierre de La Rochefoucauld, qui l’a ramenée en métropole, Marie-Adélaïde de La Tousche-Limouzinière, une fois son mari émigré, s’ennuie en son manoir de La Garnache. En mars 1793, elle soulève sa paroisse, avec la complicité d’un de ses fermiers, Joseph Thomazeau, silencieusement et éperdument amoureux d’elle. Ils s’agrègent à l’armée de Joly, qui tient la région des Sables-d’Olonne, mais, rapidement, la comtesse et le vieux Joly, misogyne acrimonieux, se heurtent de front. Dégoûtée de la muflerie du personnage, Marie-Adélaïde décide de rejoindre Charette, dans les bras duquel elle s’abandonne tout l’été 1793. L’avancée des Mayençais, à l’automne, les sépare sans retour, le général refusant, face à un danger extrême, de s’encombrer d’une femme, même s’il en est épris. Ils ne se reverront jamais. Séparées des armées vendéennes, les bandes de Mme de La Rochefoucauld se retrouvent isolées dans la zone côtière et quelques attaques de convois républicains ne leur suffisent pas à survivre. Le 16 janvier 1794, trahie, la jeune femme est arrêtée dans une métairie du village de Dompierre et fusillée le soir même sur la plage des Sables, en compagnie du fidèle Thomazeau, qui ne l’a pas quittée. Dans l’espoir de nuire à sa mémoire, les républicains feront circuler un récit fantaisiste de ses derniers instants, selon lequel, saisie de panique, elle se serait offerte au premier venu pourvu qu’on ne la tue pas. Calomnies aussi stupides et dénuées de fondement que la version romanesque affirmant que le pauvre Thomazeau, amoureux transi, aurait, à la dernière seconde, confessé à sa dame sa passion sans espoir.

Victoire du Fief, femme d’un officier émigré, est devenue enragée à la suite de l’assassinat de son bébé, qu’elle a retrouvé coupé en morceaux dans son berceau. Du printemps 1794 à la pacification de 1796, la minuscule Mme du Fief venge son fils, avec une ardeur qui épouvante l’ennemi, bien qu’elle sache, la fièvre du combat retombée, implorer grâce pour les prisonniers. Sa glorieuse participation au combat des landes de Béjarry, le 30 mai 1794, lui vaudra, à la Restauration, un honneur sans précédent dans l’histoire militaire française. A défaut de pouvoir lui donner la croix de Saint-Louis, les statuts ne prévoyant pas la possibilité de décerner cette décoration à une femme, Louis XVIII lui envoie cette lettre : « Je regrette que les règlements ne me permettent pas de vous donner cette croix de la vaillance, mais j’ose, à la place, vous offrir mon portrait et, en le portant attaché à un ruban semblable à celui de l’ordre dont je voudrais vous décorer, il prouvera, du moins, la nature de vos services et combien je sais les apprécier. »

Il faut encore citer, parmi les amazones de Charette, son agent de liaison, Marie Lourdais, une épicière itinérante qui, sans porter les armes, prend des risques insensés afin de l’informer. Laissée pour morte sur un champ de bataille, celle que le général appelle « ma Bretonne », se rétablira et mourra nonagénaire sous le Second Empire. Enfin, il convient de ne pas oublier la jeune paysanne Madeleine Tournant, dernière femme engagée dans le combat vendéen, laissée à l’agonie dans les bois de la Chabotterie, le 23 mars 1796, lors de la capture de Charette. Elle aussi survivra à la guerre.

Bien qu’elles aient d’abondance inspiré les romanciers, les chouannes, au nord de la Loire, sont moins engagées que les Vendéennes dans la lutte armée. Egérie du marquis de La Rouërie, son cousin, Thérèse de Moëlien, morte sur l’échafaud à Paris le 18 juin 1793, est indubitablement l’un des chefs de la contre-révolution, mais elle n’aura pas le temps de se battre. Agent de liaison et officier de recrutement, Mme Le Frotter de Kérilis, tuée lors du raid royaliste d’octobre 1799 sur la prison de Saint-Brieuc où elle est incarcérée, est considérée comme très dangereuse par les républicains, mais moins pour ses faits d’armes que pour son influence et son action militante. C’est une autre tactique encore qu’utilise, en cette même année 1799, une jeune fille du Cotentin, connue sous le nom de Marie-Muguette, qui n’hésite pas à sacrifier sa vertu pour permettre, en occupant le geôlier, l’évasion de plusieurs de ses camarades emprisonnés au Mont-Saint-Michel et promis à la guillotine.